Suite aux événements consécutifs à la tuerie du 9 février 1990, le destin du Niger bascula, précipité par la morosité économique ambiante de l’époque qui a fini par pousser tous les groupes sociaux à se mettre dans la rue, exigeant du pain et de la démocratie. Les peuples alors naïfs avaient cru que partir à une conférence nationale avec des acteurs qui prêchaient la justice et les libertés pouvait aider à sortir le pays de ses temps durs. Pendant une époque, le peuple avait été abreuvé de ces discours populistes, brillants de promesses et d’éthique politique auxquelles en vérité, ceux qui portaient un tel discours, ne croyaient pas. Il est vrai que la démocratie nigérienne, depuis la décennie 90 qu’on la mettait en chantier a connu tant de soubresauts pour lesquels l’on ne peut que douter de la capacité de notre élite, de nos intellectuels sortis souvent de grandes écoles, à savoir gérer un Etat et surtout à être capables de se comporter en hommes d’Etat pouvant agir pour l’intérêt supérieur de la nation. Peut-être qu’avec le recul, les Nigériens pourraient comprendre pourquoi, pour aller à la conférence nationale, les dirigeants du pays, avec à leur tête le Général Ali Saibou, tout en ne contrariant pas le cours irréversible de l’histoire, a refusé que certains amateurs viennent jouer avec l’Etat, et imposer leur vision dans la conduite des affaires de l’Etat, sans qu’ils ne sachent trop ce que cela coûte d’avoir certaines légèretés dans la gestion d’un pays.

Depuis l’AFC, quand ceux qui brillaient tant pour diriger le pays eurent la chance historique d’accéder au pouvoir, les Nigériens durent vite se rendre compte qu’ils n’ont aucune compétence pour présider aux destinées d’un peuple, obnubilés par des désirs de vengeance qui ne pouvaient leurs permettre d’appréhender la politique avec lucidité, tenus par un besoin malveillant de règlement de compte qui a fini par les empêcher d’avancer ; aveuglés et égarés par des haines irascibles. Un a un, jusqu’à la 7ème République, les Nigériens eurent la (mal) chance de voir chacun de ses harangueurs de foules à l’oeuvre pour ne découvrir en chacun que de minables architectes qui ont, par leurs incompétences, poussé le Niger dans un cycle infernal d’un éternel recommencement, où, faisant et défaisant, les républiques, en l’espace de trois décennies, le pays qui allait en démocratie avec une troisième république en 90 est aujourd’hui à la septième.

Aujourd’hui, après avoir apprécié le maçon au pied du mur, les Nigériens réalisent amèrement que le PNDS n’est ni un parti de Gauche ni cette association politique mue par cette prétendue volonté de gouverner autrement, ou disons mieux que ce que le Niger a jusqu’ici connu avant que les camarades n’accèdent au pouvoir. Son leader, affublé de son sobriquet bien peu flatteur de Zaki quand on considère la dimension prédatrice de son symbole bestial, n’a rien à tirer de la métaphorisation. Ils se rendent donc compte qu’il n’y a rien à espérer de ces hommes et de ces femmes dont la propension à la brillance – car trop portés sur le matériel – ne peut que les détourner de desseins nobles que l’on doit avoir à diriger les hommes et à construire leur avenir.

Après trente années de démocratie, sinon de processus démocratique, par le dévoiement des principes républicains à la suite des socialistes qui ont su stratégiquement tromper sur leur nature politique hybride, le Niger, alors que beaucoup de pays font de grands progrès, se révèle aujourd’hui comme une république bananière qui trouvera tout son prototype robotique dans la construction caricaturée de la fameuse république de notre compatriote, le Gondwana de Mamane. Plus rien, après plus de dix années de ravages socialistes, ne reste de notre république et de notre démocratie qui puissent nous redonner nos fiertés d’antan. Pourtant, en faisant son entrée dans la démocratie, le Niger a posé les jalons de sa démocratie sur des fondations solides dont la pierre angulaire, à chaque fois, reste le consensus fort sur l’ensemble des règles du jeu démocratique avec une classe politique capable de compromis, toujours en ces temps-là, dans un esprit conciliant qui préserve la cohésion nationale, la paix sociale et un climat politique apaisé. Les Nigériens savaient alors mettre en synergie leurs efforts pour bâtir une nation alors fière de ses différences, capable de tirer le meilleur profit de ses contradictions.

Le pays que le PNDS rend aux Nigériens après ses dix années de gouvernance sous Issoufou est un pays à terre ayant perdu bien de ses valeurs et de ses atouts. Cela fait longtemps que certains observateurs alertent sur les dérives de leur gouvernance. Mais faite de vanité, la Renaissance a cru que parce qu’elle garde le pouvoir, elle ne peut et ne doit écouter personne, estimant qu’elle peut dorénavant agir comme bon lui semble, dans le mépris des autres composantes de la nation. Pourtant, qui ne sait pas que ce sont de telles surdités qui ont conduit bien de pays où les dirigeants avaient les mêmes certitudes de leur puissance et surtout les mêmes folies pour se croire invulnérables, élus par l’Eternel pour gouverner les hommes indéfiniment. Et le constat de cette destruction massive par le parti socialiste de notre société et de notre démocratie va au-delà de ce que l’on peut imaginer. Au lieu de faire disparaitre certaines tares de notre société, il les a amplifiées, sophistiquant la pratique du mal notamment des détournements des deniers publics. Tout ce que les Nigériens ont décrié et qui a permis à certains groupes d’intérêts de justifier la tenue d’une conférence nationale qui devra permettre d’aller discuter, sans tabou, de tous les problèmes du pays, de les aborder avec courage, mais sans passion. Les Nigériens avaient cru à un tel discours et croyaient franchement que c’était pour partir sur de nouvelles bases. Chiche. Ce n’était qu’un complot contre l’histoire pour assouvir des ambitions de quelques individus, pétris de vengeances et de rancunes, croyant alors qu’il ne reste qu’un tel moyen pour arriver au pouvoir.

Gouverner, le difficile métier des Renaissants

En vérité tout le monde se sera rendu compte que les socialistes sont incapables de gouverner un Etat normal. Nous l’avons déjà dit, ils n’ont de l’Etat que le profit que l’on peut tirer de ses rentes et de ses faveurs. Ils sont incapables d’élévation pour comprendre que la responsabilité de gouvernants impose de se comporter autrement en pensant plus les autres que soi. Jamais un régime au Niger n’a confondu l’Etat au clan et à la famille si ce n’est ces prétendus socialistes qui, découvrant le pouvoir et ses ors, n’ont fait que la promotion du clan, nommant filles et fils de la lignée socialiste, épouses et frères, sans aucune pudeur politique ou morale. Les nigériens ne l’avaient connue, une telle perception tronquée de l’Etat. C’est ainsi que tous ceux qu’on nommait n’avaient d’objectif que de profiter de leurs positions pour amasser plus d’argent et plus vite, plus de confort, plus d’immeubles et plus d’épouses. Une telle option les a amenés à tout politiser, jusqu’à l’armée, et souvent jusqu’au poste minable de gardien. On comprend que dans une telle république l’on ne fasse que la promotion de la médiocrité et de l’impunité. Mais ce n’est pas tout.

Le PNDS a cultivé dans notre société les identitarismes et les tares jusqu’ici proscrites

Aujourd’hui, alors que les Nigériens pensaient pouvoir consolider leur unité, voilà que les socialistes, incapables d’avoir des plateformes politiques viables qu’ils peuvent défendre auprès du peuple, ne font que la promotion des particularismes tant par le choix des hommes que par celui des politiques et des investissements consentis. Qui n’a pas vu la gestion régionale, ou disons régionaliste des fêtes tournantes mais aussi des problèmes sécuritaires qui se sont posés dans certaines parties du pays ?

Cette situation a ainsi conduit les socialistes à ne rien comprendre de ce qu’il est important de cultiver dans une démocratie des valeurs, de les enraciner. Il n’est donc pas étonnant, depuis que ce PNDS est arrivé, de voir se développer la corruption à grande échelle qui enrichit le patronat socialiste. Les injustices et les passe-droits n’ont atteint un seuil aussi culminant que sous le règne des camarades. Aujourd’hui, combien de cadres, même pour des postes rigoureusement techniques, sont mis au chômage, ne pouvant servir le pays, simplement parce qu’ils sont d’un camp ou d’un clan ? Aussi, que peut-on avoir de droit dans ce pays sans graisser la patte à ceux qui, dans le système, peuvent prendre des décisions ? Qui peut, même lorsqu’il est le meilleur des prestataires, avoir accès à un marché public et même s’il fait la meilleure offre sans être du sérail d’un certain clan du parti au pouvoir ? Qui n’a pas entendu parler de tous ces marchés accordés par entente directe comme nous le relevions au ministère de l’Enseignement supérieur il y a quelques semaines ? La Renaissance est une histoire de pagaille et d’injustices qui met les lois de la République entre parenthèses pour gouverner selon les humeurs et les intérêts mesquins.

Tant de problèmes dans notre société doivent faire réfléchir car, sans s’en rendre compte, nous filons vers des explosions inévitables. Mis dos au mur, un jour viendra où ce peuple que certains peuvent croire assez couard, par un réflexe de dignité, devra, pour une question de vie ou de mort, affronter son destin et faire face courageusement aux loups. La bombe sociale et politique couve, potentiellement explosive par le moindre prétexte qu’on lui donnera. Cette affaire de mariage homosexuel qui se susurre depuis quelques jours, attisant de nouvelles colères, et ces émeutes de la faim qu’augure cette flambée incontrôlée des prix sur les marchés, risqueront de hâter la descente aux enfers où l’insouciance politique des hommes risque de conduire à l’irréparable.

Il est pour cela important d’une part, de créer les conditions qui permettent au trop-plein d’énergie des batteries des colères sociales de se décharger par la respiration que permettent les libertés démocratiques confisquées dans le pays depuis que les socialistes ne peuvent accepter que les Nigériens manifestent pour faire entendre leurs malaises. A étouffer les colères, l’on finit par asphyxier la démocratie pour ne laisser d’autres alternatives que la révolte dévastatrice et ingérable. L’autre moyen de détendre un climat politique et social incertain est de retourner à un forum national pour parler sans détour de tous les problèmes du Niger et notamment de ceux que le PNDS, en une décennie, a créés dans le pays pour éloigner le Nigérien de son frère Nigérien, de les faire porter des haines inutiles les uns contre les autres, et de faire croire qu’il y a des Nigériens bien et d’autres qu’il faut bannir. Ces malaises, dans la nation, sont profonds et il urge de désamorcer la bombe avant qu’elle n’explose. Il est important que les Nigériens trouvent un cadre pour se parler franchement et admettre la réalité des malaises car il faut, comme d’autres l’ont posé à la conférence nationale souveraine, que nous fassions ou pas le choix de vivre ensemble, en nation qui assume ses différences, capable d’accepter ses minorités et de les valoriser. Les Nigériens ne doivent plus avoir ces lieux communs pour apprécier leur vivre ensemble qui a pourtant pris un grand coup, appréciant vaguement, mais se mentant sans doute, que le pays va bien et s’entend bien, arguant mensongèrement que le « Niger est un et indivisible » quand les actes que nous posons, pourraient ne pas convaincre sur un tel idéal de vie.

Il y a trop de problèmes et il est temps de crever l’abcès et cette génération qui a fait le choix de trahir notre choix historique de vivre ensemble en nation, devra répondre car, en portant un certain discours, elle est en train de tromper la jeunesse sur des idées qui n’ont plus, en notre temps, de sens.

Demain, il faut que les Nigériens se parlent et se disent des vérités. Il y va de la santé de notre société qui ne peut plus se contenter d’hypocrisies alors que tout le monde sait que ça va mal. Il faut donc arrêter de jouer avec notre destin. Le contexte régional est une alerte qu’il faut prendre au sérieux et lire avec attention.

Mairiga