Le président nigérien, Bazoum Mohamed, a promis de moraliser la vie publique en combattant sans faiblesse la corruption et toutes les infractions assimilées et, notamment, tous ces faits de mal gouvernance qui tirent vers le bas tous les efforts que d’autres, dans une équipe, mènent pour aider à réussir. Mais voilà un peu moins de deux ans que l’on l’attend sur cette promesse de justice et plus de vingt mois que son train patine, coincé dans les rails du verbe, incapable d’emprunter ceux de la realpolitik et de l’action, les seuls par lesquels il peut convaincre. Mais certains analystes du champ politique nigérien estiment qu’il faut lui donner le bénéfice du doute et croire qu’il s’y est préparé en conséquence, connaissant bien son monde pour ne décider que maintenant de mettre en actes cette volonté politique et après s’être entouré de quelques précautions, le machiavélisme des siens veillant au grain. Mais puisqu’il dit qu’il est décidé à lutter contre la corruption, faisons-lui la faveur de croire sa parole pour l’attendre sur des actes, mais sans attendre trop encore. C’est pourquoi cette question s’impose à nous comme une énigme : pourquoi, le voulant tant, peut-il quand même s’assoir dans la même salle en conseil des ministres avec des hommes au passé, souvent récent, sulfureux, incapable de leur demander de rendre compte de leur gestion et de leurs crimes ? Pourquoi peut-il marcher avec des ministres présumés impliqués dans des affaires, dans des détournements de deniers publics sans qu’il ne les laisse aller se blanchir devant les juges ? C’est le plus souvent des crimes graves pour lesquels, aucun Etat normal, ne peut avoir une telle attitude complaisante, presque démissionnaire.
Un système fait d’une pègre politique qui discrédite le discours de Bazoum
En vérité, plus que son prédécesseur, Bazoum Mohamed tient un discours que les Nigériens ont la faiblesse de croire plus crédible. Mais depuis quelques temps, l’on commence à se lasser de ses promesses sans fin et finalement aussi, à douter de ce qu’il soit capable de faire ce qu’il dit pour savoir dire ce qu’il fait. Ils sont pourtant nombreux ces hommes et ses femmes « sales » avec lesquels il compose et collabore, sans se dégoûter de ce qu’ils soient, d’un point de vue éthique et moral, peu fréquentables, du moins pour quelqu’un qui veut gouverner de manière vertueuse. C’est à juste titre que les Nigériens se demandent ce qu’il a à faire avec des hommes qui auraient pu être, dans un Etat de droit qui se respecte, ailleurs que dans un gouvernement ou même à trouver une place dans une assemblée nationale a fortiori à la tête d’une société d’Etat. Que peut-il construire avec des gens qui ont trahi la nation, en détournant ses biens, ou en jouant pour leurs intérêts personnels et pour faire perdre au pays bien de ses intérêts dans certaines affaires qu’on a étouffées, refusant que le Juge s’y mêle ? Peut-il croire que les Nigériens aient oublié cette affaire scabreuse baptisée l’ « uraniumgate » ?
Or, l’homme qui en est au centre, plastronne dans son gouvernement, et pas n’importe où mais bien aux Affaires Etrangères. Par ailleurs, il y a aussi cette affaire de l’achat de l’avion présidentiel, un appareil de seconde main, recyclé et meublé d’un lit inutile, acheté presqu’au prix du neuf, avec en sus, un dispositif antimissile payé rubis sur ongle, mais sans que jamais, « le grisgris » moderne – on ne sait d’ailleurs pour prévenir quelle menace – ne soit posé sur un avion qui sert plus les vanités et la luxure d’un homme que les intérêts, les vrais, du pays. Dans un Etat normal, à moins que le PNDS ne souffre de pénurie de cadres, de tels hommes ne peuvent siéger dans un gouvernement avant de clarifier leur cas devant la Justice. Mais Hassoumi Massaoudou n’est pas seul.
On peut également évoquer le cas tout aussi gravissime d’Abdoulkadri Tidjani alors ministre de l’Enseignement professionnel dans le cadre du détournement présumé de fonds de développement de l’éducation pour lequel il n’a toujours pas été inquiété. Et plus récemment, devenu ministre de l’élevage à la faveur des nouvelles alliances, dans une autre affaire d’achat de vaccins pour le cheptel, l’ancien militant du MNSD ne peut toujours pas se défendre de sa gestion mise en cause, trônant dans le gouvernement comme s’il devrait être indispensable pour le Niger. Mais le cas le plus frappant et emblématique concerne cet ancien détenu sorti de sa cellule à la faveur d’une liberté provisoire qu’on peut refuser à beaucoup d’autres, venant, depuis cette époque siéger dans des gouvernements, mais pouvant avoir l’arrogance, sur les médias sociaux, de se moquer d’autres Nigériens contre lesquels il diffuse des paroles d’une insanité qui ne sied pas à sa stature de ministre de la République qu’il troque à ses heures perdues sur la toile contre la robe de flatteur d’un autre dont il se couvre. Les fautes pour lesquelles Kassoum Moctar partait en prison dans le cadre de sa gestion au ministère de l’urbanisme et à la mairie de Maradi n’ont jamais été contredites pour que l’homme, se libère définitivement de la justice. Pourquoi donc lui, alors qu’il est en prison, peut en sortir pour des fautes pour lesquelles, d’autres dans des cas similaires, ne peuvent avoir les mêmes faveurs et même jusqu’à être ministre pour narguer les Nigériens ! On est dans quel pays ? Faut-il croire que les Nigériens ne sont pas égaux devant la loi ?
Il y a aussi un autre gros gibier pour lequel les Nigériens soupçonnent une gestion désastreuse dans le cadre de la pandémie de la Covid 19. Mais, en attendant des clartés sur un tel sujet, au moins peut-on relever dans son cas, à la suite de révélations d’une enquête rendue publique, des cas déraisonnés de surfacturations où, sous sa gestion, on facture pour l’achat d’un matelas d’une place à plus de 400.000f et de bol à café à plus de 10.000f. Et l’on a « mangé » de l’argent comme ça !
Le régime, en vérité, est pris en otage par ces hommes qui, après le sale boulot, peuvent continuer à exercer, narguant les Nigériens avec leur carapace d’intouchable prêtée depuis le temps d’Issoufou. Ils sont nombreux à l’Assemblée Nationale à partir s’abriter là, au nom d’une immunité parlementaire qui, elle-même, ne fonctionne que pour certains, mise en panne pour d’autres, quand on le veut, ne pouvant s’encombrer de formalisme comme ce fut le cas de Hama Amadou où, sans la majorité requise, se servant des voix incomplètes d’un bureau incomplet, l’on l’a trainé, sur la base de faux, dans la boue. Il y a là également, ces hommes au niveau du parlement, cités dans des cas de trafic de drogue, et d’autres affaires notamment la gestion des fonds alloués à la Défense, mais qui n’ont jamais répondu de leurs actes car l’on s’est refusé à lever leur fragile immunité parlementaire qui n’est pas donnée pour couvrir des crimes mais pour protéger la dignité du représentant du peuple dans le rôle qu’il est appelé à jouer au nom du peuple dont il est le représentant.
La Renaissance est un monde fait de races diverses où des rapaces se sont rencontrés pour perpétuer le mal, « se gaver » d’argent sale et de vanités inutiles. La lutte globale que demande le SAMAN c’est justement cellelà qui demande des comptes à ceux-là qui, à l’ombre du régime, continuent d’espérer de l’impunité alors que pour des cas moins graves, d’autres Nigériens partent en prison. Ce ne sont donc pas de ces menus fretins dont on s’est souvent servi pour le sale boulot que les Nigériens attendent que le gouvernement sévisse mais bien ces grands bandits d’Etat qui ont aujourd’hui détruit nos valeurs et cultivé dans notre administration des contre-valeurs qui nous humilient.
Sur cet aspect de la gouvernance, de la part de Bazoum Mohamed, les Nigériens attendent mieux.
Mairiga