Wallgates ou le tonneau des Danaïdes du Trésor public
Jamais une société au Niger n'a fait autant l'objet de si grandes malversations. Après les deux ponctions de 10 milliards, soi disant empruntés pour équiper et armer le contingent nigérien au Mali, l'ARTP a fait l'objet de scandales continus. La société Wallgates, aujourd'hui, dans le creux de la vague, a été en vérité, pendant des années, la formule magique par laquelle des hommes investis d'une mission d'Etat ont utilisé leur station du moment pour soutirer des milliards à l'Etat. La semaine dernière, Le Courrier s'interrogeait sur ce qui a bien pu se passer pour que Daniel Mukuri, cet homme recherché par Interpole Bruxelles pour des faits d'escroquerie sur des ressortissants belges, qui pompait tranquillement les milliards de l'Etat avec la complicité bien connue de personnalités de l'Etat, puisse connaître des déboires judiciaires ? Eh bien, il est aujourd'hui en mesure de vous que le 1er mars 2016, dans l'entre-deux tours de la présidentielle, un chèque d'un milliard de francs CFA a été libellé au nom de Wallgates. Un milliard de francs CFA à toucher à la Bsic, déjà citée dans d'autres dossiers scabreux, comme si elle est devenue la banque de tous les coups fourrés du régime. C'était le cas dans l'affaire des fonds destinés à l'armement des Forces armées nigérianes et dont une bonne partie, détournée grâce à Sambo Dasuki, s'était retrouvée dans les comptes bancaires de ses complices nigériens à la Bsic et à la Sonibank. C'était aussi le cas l'affaire des 5000 tonnes de riz de l'aide alimentaire pakistanaise détournées et vendues à Cotonou. Ce milliard de francs CFA a été versé à Wallgates le 1er mars 2016. Et pourtant, il ne transparaît nulle part dans la conciliation judiciaire faite, le 8 août 2016, devant Maï Moussa El Hadj Bachir, Président du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey, assisté de maître Idrissa Rabo, Greffier en Chef près ledit Tribunal. Il n'y figure pas parce que ce milliard semble avoir été payé frauduleusement, à partir d'un compte public de l'État et non de l'ARTP. L'examen du chèque émis porte nettement la mention " Payeur général du Trésor ", atteste que ce milliard a été payé à Wallgates par le Trésor public. Pourquoi et sur instruction de qui a-t-il versé à Wallgates un milliard du contribuable nigérien ? La récente arrestation de l'ancien payeur général du Trésor public, Assoumane Ada, serait-elle liée à l'émission de ce chèque d'un milliard au profit de Wallgates ? Rien n'est moins sûr.
Le 27 mars 2017, lorsque Hassoumi Massoudou a instruit le directeur général de l'Artp de mettre un terme au contrat, il a indiqué que le rapport du Cabinet Clarity a relevé (1) l'usage du faux et des données erronées ayant servi de base à la signature du contrat ; (2) le non-respect de l'ensemble des dispositions du cahier des charges ; (3) un impact non avéré du système sur les rendements des recettes. Ainsi exposés, les arguments avancés par Hassoumi Massoudou ne rendent pas compte de la gravité de la situation. En réalité, l'évocation du faux n'est pas uniquement liée aux arguments avancés par Hassoumi. Et le rapport d'audit du cabinet Clarity, fait bien état d'autres monstruosités liées à des menaces judiciaires de " MACH ", une société française experte dans le domaine de contrôle des flux de communication et dont le nom a été utilisé par Daniel Mukuri et ses amis nigériens pour se faire des milliards sur le dos de l'État nigérien. Assoumane Ada, tout comme l'escroc recherché par Interpole Belgique, serait-il l'agneau du sacrifice pour couvrir les arrières de ceux qui ont tiré les ficelles de cette scabreuse affaire ?
Où sont passés les 200 milliards de la Sopamin ?
Selon une information, le juge d'instruction aurait fixé à 20 millions la caution que la société civile devra verser avant toute information judiciaire. Un montant qui est sans doute élevé mais qui, selon des sources bien renseignées, sera rassemblé et versé intégralement. Ce qui est certain, au regard des récents développements intervenus en France où les langues commencent à se délier, la société civile nigérienne, et les citoyens nigériens dans leur ensemble, ont d'excellentes raisons de s'accrocher à ce dossier. Pour beaucoup d'observateurs, il n'y a plus de doute : les 200 milliards existent bel et bien et tout porte à croire que c'est l'argent issu de l'uranium du Niger. Dans un article publié en ligne le 7 avril 2017, Chistophe Chaâtelot du journal français " Le Monde " souligne que le groupe français, Areva, ne conteste la réalité de cette opération, y compris en ce qui concerne le transfert des 319 millions de dollars du compte de la Sopamin logé à BNP Paribas, à Paris, au compte d'Optima, à Dubaï. Christophe Neugnot, porte-parole d'Areva, confie ainsi à …que " Dans ce genre de projet, l'opérateur veut de la visibilité et nous demande de sécuriser son approvisionnement futur en uranium ". Et voici la meilleure : " Quand nous cherchons de l'uranium, nous nous tournons vers ceux qui peuvent nous en fournir ". Et au Niger où les Français extraient de l'uranium depuisles années 60, Areva avance en terrain connu. La Sopamin y est actionnaire des deux filiales d'Areva (Somaïr et Cominak). […] Dans cette affaire, Areva aurait donc " demandé " au Niger de piocher dans le stock d'uranium, conformément au pacte d'actionnaires qui les lie ". Et tandis que Hassoumi Massoudou parle d'une commission de 800 millions dont ils auraient profité, toutes les sources parlent plutôt de 800 000 dollars, soit quelques 400 millions de francs CFA. Un indice grave de fausseté et de mensonges.
5000 tonnes de riz détournées alors que des millions de Nigériens étaient dans l'attente d'une assistance alimentaire et nutritionnelle
Alors que des millions de Nigériens étaient, en mars 2016, dans l'attente d'une assistance alimentaire et nutritionnelle, des individus, abusant des fonctions qu'ils assumaient, ont détourné et vendu à leurs profits personnels 5000 tonnes de riz d'une aide alimentaire de 15 000 tonnes de riz offertes par le Pakistan. Depuis la révélation de ce scandale, c'est l'omerta. Personne ne dit mot alors que les principaux responsables de cette affaire sont connus. Au Courrier, le silence des autorités n'intrigue point. Car, il sait qui a vendu et sur instruction de qui ces 5000 tonnes ont été bazardées à Cotonou. Même le directeur général de l'OPVN, qui doit paraître inquiet puisque les 15 000 tonnes sont arrivées au port de Cotonou en son nom, affiche une sérénité détonante. Serait-ce l'assurance politique de ne pas être inquiété tant que Mahamadou Issoufou serait au pouvoir ? On pourrait le croire, même si des sources dignes de foi avancent d'autres informations qui n'ont rien à voir avec la carte politique. Ce qui est certain, il a été interpellé par la Police judiciaire récemment avant d'être remis en liberté.
Ces immeubles font partie intégrante du Niger. Les perdre, c'est perdre une partie du territoire national.
Le contentieux Etat du Niger- Africard est un scandale des plus scandaleux et personne ne peut le contester. Alors que les fautes sont incontestables, prouvées par des documents irréfutables, les responsables de ce grave péril qui pèse sur les biens immobiliers du Niger, en France et aux Etats Unis, continuent de poser des actes anachroniques et révoltants. L'arrêt de la Cour d'État, la plus haute juridiction du Niger, est-il une invention ? Brigi Rafini a-t-il, oui ou non, refusé de se soumettre à cet arrêt ? L'accord amiable partiel du 30 juillet 2016 est-il vrai ou faux ? Est-il vrai ou faux que ceux qui l'ont signé ont accepté que le Niger renonce à toute immunité devant Africard ? Bref, le scandale Africard est une catastrophe. Une grave affaire que Tamboura Issoufou n'hésite pas à assimiler à une cession d'une part du territoire national. Ces immeubles saisis font partie intégrante, depuis de longues décennies, du patrimoine national. Les perdre, c'est perdre une partie du territoire national. Le Niger risque de les perdre par la faute de Brigi Rafini, Gandou Zakara, Ibro Zabèye, Saïdou Sidibé, etc.
Après les milliards dissipés, c'est à présent les morts
Profitant d'une manifestation de l'Union des scolaires nigériens (Usn) qui a pourtant averti du caractère démocratique de sa sortie, les hommes forts de Niamey ont frappé fort. Il fallait donner la preuve que la menace agitée lors de la déclaration du Pnds-parti-Etat, n'était pas une futile exaspération d'hommes acculés et dépourvus d'arguments. Ils en avaient et l'ont montré en ce lundi 10 avril 2017 sur le campus universitaire qui fut littéralement envahi. Le " Trop, c'est trop " du Pnds-parti-Etat n'a pas tardé à manifester ses conséquences. Après l'embastillement de Baba Alpha et de Maïkoul Zodi, c'est à présent la violence physique, suivie de morts. La sauvage répression policière du 10 avril 2017 au cours de laquelle, deux étudiants au moins, selon Alternative Espaces citoyens, ont trouvé la mort et des dizaines d'autres massacrés, est une barbarie qui rappelle bien celle du 9 février 1990. Des gaz ont été un peu partout, de façon tout à fait consciente et volontaire. L'essentiel, c'était de donner une bonne leçon à tous les Nigériens. Aussi sauvage qu'elle a été, la répression du 10 avril était un avertissement. Un avertissement à tous les Nigériens qui caressent le rêve de montrer à la face du monde que Mahamadou Issoufou est impopulaire et que la victoire électorale de février-mars 2016 était une usurpation de pouvoir. Si Alternatives Espaces citoyens parlent de deux morts, bien identifiés, Mala Kelloumi Bagalé et Mali Agaly, et que l'Usn parle de trois étudiants tués dans ses rangs, le gouvernement parle d'un mort " accidentel " sans toutefois donner l'identité de l'étudiant tué. Il reste ainsi dans le flou, car ne pouvant avancer de nom sans être en flagrant délité de mensonge. S'il parle de Mala Kelloumi Bagalé, on lui aurait brandi Mali Agaly. Et s'il parle de Mali Agaly, on lui aurait demandé qui, alors, a tué Mala Kelloumi Bagalé. Encore que, selon le secrétaire général adjoint du Comité directeur de l'Usn, Yayé Djibo, les étudiants stagiaires en médecine ont tous été chassés des hôpitaux pour les empêcher de connaître de la réalité du bilan de la sauvage répression. Que pourrait-il cacher de plus grave ? Le communiqué officiel est une véritable insulte à la mémoire des Nigériens : " Aucune perte en vie humaine n'a été enregistrée grâce au professionnalisme dont les forces de l'ordre ont fait montre. Malheureusement, il faut déplorer le décès d'un manifestant blessé suite à une chute et qui s'est librement présenté aux forces de l'ordre qui lui ont rapidement porté secours en l'évacuant à l'hôpital national de Niamey où il rendit l'âme à 17 heures ". Un communiqué cynique qui en dit long sur l'état d'esprit de ses auteurs. Ce communiqué est d'autant plus cynique qu'il passe sous silence les exactions commises par les forces de l'ordre qui ne se sont pas empêchés de pénétrer les chambres, de jeter des gaz lacrymogènes dans une maternité, mettant en danger la vie des femmes et des enfants. Un nourrisson serait d'ailleurs gravement atteint par les gaz. À l'Université, même la bibliothèque n'a pas été épargnée, mise sens dessus-dessous. Ce citoyen n'a-t-il pas raison lorsqu'il se demandait si c'était vraiment l'œuvre des forces de l'ordre nigériennes ou d'une milice ?
Laboukoye
13 avril 2017
Source : Le Courrier