Le directeur des ressources financières et matérielles est au four et au moulin afin de mobiliser les fonds. Comme avant, comme toujours, les mêmes procédures sont mises en place et le même manège reprend. Des comités d'organisation taillés sur mesure, avec des membres (fictifs ?) qui seraient à Agadez ou à Iférouane tandis que les responsables centraux du ministère sont soigneusement tenus à l'écart. Objectif : exercer un contrôle absolu sur la gestion des fonds mis à disposition par des institutions publiques et privées, dont les sociétés d'État et d'économie mixte. Le Festival de l'Aïr, tenu du … au …2017, n'a pas échappé à ce rituel, au grand bonheur d'Ahmed Botto, le maître des lieux. Il sait ce que ça peut lui rapporter et n'entend pas lésiner sur les moyens à mettre en œuvre pour le gagner. C'est lui-même qui élabore sur son ordinateur portable les termes de référence, adresse personnellement les requêtes aux partenaires et collecte, par le biais d'individus qu'il choisit lui-même, les cotisations dont il est le seul à connaitre la nature et les montants. À son tableau de chasse pour la fête nationale de l'Artisanat, édition 2017, plusieurs institutions et sociétés. Aux 19 millions de francs CFA du budget national, se sont greffés beaucoup de fonds supplémentaires dont celui du Cabinet du Premier ministre qui a dégagé un montant de 30 millions de francs CFA pour l'évènement. La Sonidep et la Sopamin, deux sociétés fleurons de l'économie nigérienne, ont respectivement versé dans la sébile d'Ahmed Botto 5.000.000 FCFA et 10.000.000 FCFA. Il y a eu également les sociétés minières, la Nigelec, Niger télécom, etc., qui ne se sont pas prier pour verser leurs contributions. Dans la caisse, plus de 100 millions de francs CFA, dépensés dans une totale opacité. 100 millions que le ministre Botto a beaucoup de peine à justifier, aujourd'hui.

La libération de fonds partiels affectés au fonctionnement du ministère, en décembre 2016, a coïncidé avec la tenue de l'assemblée générale annuelle de l'Organisation mondiale du tourisme (OMT). Au cours de ce rendez-vous annuel, les invités débattent des questions liées à la vie de l'organisation, de l'environnement international et de ses implications sur le tourisme dans le monde ainsi que des relations de partenariat entre les États tiers et l'institution. Sur un montant de 23.000.000 de francs CFA correspondant à un trimestre de fonctionnent du ministère, Ahmed Botto a ponctionné un montant de huit millions de francs CFA, soi disant pour financer sa participation aux travaux de l'assemblée générale annuelle de l'Organisation mondiale du tourisme (OMT) qui se tenait à Madrid, en Espagne. Une ponction qui ne se justifie nullement dans la mesure où, lors des assises statutaires de l'OMT, les participants sont entièrement pris en charge (transport, hébergement, subsistance). Si, au moins, sa présence à Madrid avait servi à quelque chose pour le Niger. Cette rencontre de haut niveau sur le tourisme est l'occasion pour les délégués de présenter les situations de leurs pays respectifs et de soumettre des requêtes de financement pour la promotion du tourisme. Ahmed Botto séjournera cinq jours en Espagne. S'il a sans doute profité pour découvrir le Royaume d'Espagne, il n'a par contre emmené à Madrid, aucune requête dans ses cartables, encore moins une note de présentation du secteur touristique du Niger. Une simple villégiature ? Rien n'est moins sûr. L'unique boussole dans la gestion du ministère du Tourisme est la quête d'argent à laquelle se livrent certains individus sans scrupules. Dans cette logique, aucune occasion n'est à négliger. En février 2016, le Niger était invité à participer, à Cotonou, au Benin, à une réunion des ministères de l'Environnement et ceux du Tourisme sur les Parcs nationaux. La réception de la lettre d'invitation a coïncidé avec le séjour du ministre Botto en Espagne. Son directeur de Cabinet, qui s'apprêtait à le représenter, en fut empêché par Botto lui-même qui s'y était opposé au prétexte qu'il n'y avait pas de quoi payer le billet d'avion, tous les autres frais étant pris en charge par le pays hôte. Mais, contre toute attente, aussitôt après son retour, il reçoit une autre invitation, cette fois-ci pour une réunion à Lomé, au Togo. Sans gêne, il puise à nouveau dans les crédits de fonctionnement du ministère, un montant couvrant ses frais de transport et d'hôtel, ses perdiems et se rend à ladite réunion. Non rassasié, il ponctionne, en plus, sur lesdits crédits de fonctionnement, une somme de huit millions (8.000.000) correspondant, d'après lui, au carburant d'un trimestre de fonctionnement du ministère. Seulement, 42 jours après, aucune structure centrale du ministère n'avait reçu le moindre franc, à plus forte raison les services techniques régionaux qui avaient tant besoin de cet appui pour s'acquitter efficacement de leurs missions. Ils sont restés paralysés, faute d'un minimum et ce, jusqu'au 25 mars dernier.

La collecte des FDT est confiée depuis plus de deux ans, à un individu qui n'a aucun lien statutaire avec le ministère du tourisme et de l'artisanat.

 Le ministère du Tourisme et de l'Artisanat n'est pas uniquement géré comme une boutique. Il y règne aussi une situation de mépris des lois et règlements de la République ; d'où un malaise généralisé qui plombe la dynamique de travail. . Au développement d'une culture de prédation des biens publics, se greffent la violation des règles de bonne gestion et un sentiment croissant d'affairisme et d'impunité. Toutes choses préjudiciables au développement des secteurs du tourisme, de l'hôtellerie et de l'artisanat au Niger. Récemment, lors d'une réunion hebdomadaire des cadres du ministère, certains, au bord de la révolte, ont exprimé leur ras-le-bol face à cette gestion patrimoniale, sur fond de développement des reflexes identitaires. Pour calmer quelque peu la tension perceptible, Ahmed Botto s'est résolu à se débarrasser d'un million de francs qu'il a "généreusement" distribué à ses collaborateurs suivant la clé de répartition indiquée dans l'encadré. Une distribution dans laquelle il ne s'est pas d'ailleurs oublié. Choqué par la façon, le directeur de Cabinet refuse de prendre cet argent et décide de tirer la sonnette d'alarme afin qu'une enquête sérieuse soit diligentée sur la gestion de ce ministère. Un ministère qui, malgré sa mission stratégique et ses énormes ressources, a toujours été considéré, probablement à tort, comme un département sans grand intérêt. Les ressources du ministère seraient gérées dans la plus grande opacité par un trio que des sources bien informées au sein dudit ministère disent composé du ministre, du secrétaire général et du directeur des ressources financières et matérielles. Des gens si proches à tous points de vue qu'on les surnomme les trois mousquetaires. Le Fonds de développement du tourisme (FDT), constitué d'une subvention annuelle de l'État de plus du milliard, est aussi alimenté par des taxes perçues sur les réceptifs hôteliers de la place qui prélèvent quotidiennement, pour le compte du ministère du Tourisme et de l'Artisanat, cinq cent (500) francs par chambre et par nuitée. À cela s'ajoutent les redevances des établissements de tourisme sous tutelle dont le montant est de deux mille (2.000) francs CFA. En créant ce fonds, le souci de l'État est bien entendu de mobiliser, dans un contexte de rareté des moyens, les ressources nécessaires pour financer le développement des secteurs du tourisme et de l'artisanat. Cependant, en dépit du fait que la loi ait clairement défini les mécanismes de mobilisation et de gestion du FDT, les trois mousquetaires ont réussi à créer les conditions pour mettre sous coupe réglée ce fonds. Ainsi, pour maintenir l'opacité sur la gestion de ce fonds, sa collecte est confiée depuis plus de deux ans, à un individu qui n'a aucun lien statutaire avec le ministère du tourisme et de l'artisanat. Les cadres du ministère l'ont maintes fois dénoncé au cours des réunions annuelles de programmation mais rien n'y fit ; le manège continue de plus belle.  

La mise en concession de l'hôtel Gaweye et l'ultimatum de la Banque ouest africaine de développement BOAD
Dans le cadre de la mise en concession de l'hôtel Gaweye, un comité technique de pilotage a été mis en place sous la tutelle du Secrétaire général du ministère du Tourisme et de l'Artisanat avec pour mission de préparer le cadre logique devant permettre à notre pays de mener à bien le processus. La BOAD étant le partenaire chargé d'accompagner notre pays dans ce dossier, a alloué un appui de 25.000.000 millions de F CFA destinés à des tâches biens précises. Cette somme a été hélas utilisée à des fins autres que celles pour lesquelles elle est destinée initialement. D'où le refus, jusqu'ici, de la BOAD d'accepter les pièces justificatives concoctées et livrées. Pire, cette institution lie le déblocage de la seconde tranche de l'appui qui est de cinquante millions (50.000.000) francs CFA à la justification des fonds avancés. Résultat : les membres du comité ayant régulièrement travaillé n'ont pas perçu leurs perdiems de trois (3) sessions successives ; le projet accuse un retard ; le document issu de ce travail n'est pas accepté par la BOAD. Le ministère du Tourisme et de l'Artisanat a récemment été sommé pat la BOAD de rembourser la somme détournée, faute de quoi des mesures de rétorsion seront prises à l'encontre du Niger. Les cas d'affaires troubles ne s'arrêtent pas là. Le financement pour l'aménagement de la marre d'Albarkaizé (Dosso), obtenu auprès du Royaume d'Espagne qui est un partenaire traditionnel du ministère du Tourisme et de l'Artisanat, devait permettre de réaliser, en 2013, des travaux d'aménagement de ladite marre, un site ornithologique mondialement reconnu. Il s'agissait de construire des miradors et autres points d'observation des oiseaux migrateurs, le but étant de développer un pôle touristique nouveau dans cette partie du Niger. Ce financement, d'un montant de sept millions (7.000.000) de francs CFA, a été entièrement mis à la disposition du ministère, mais personne n'est en mesure de dire à quoi ont-ils été utilisés. Le royaume d'Espagne a finalement décidé de suspendre tout financement des actions de promotion touristique et le site d'Albarkaizé n'a jamais été viabilisé ; la crédibilité du ministère est gravement atteint et le projet est renvoyé aux oubliettes. En outre, au cours de ces cinq (5) dernières années, le ministère du Tourisme et de l'Artisanat a bénéficié d'un appui financier devant lui permettre d'élaborer la Stratégie nationale du tourisme (SNT). Un montant d'environ cinquante millions (50.000.000) de francs CFA qui a été mis à la disposition du ministère, mais qui a pris une destination inconnue alors que ladite stratégie n'a jamais vu le jour. Quant au document de programmation pluriannuelle des dépenses (DPPD), tâche traditionnellement dévolue aux services techniques des ministères qui regorgent des compétences nécessaires, il a été confié, à la surprise générale, à un cabinet privé qui s'est tapé, sans le moindre effort, plusieurs millions de francs CFA. Le constat a été fait lors de la réunion annuelle des cadres du ministère du Tourisme, tenue à Dosso en janvier 2017. Le document produit par ce cabinet est en réalité une version actualisée de celui des années antérieures conçu et élaboré par la Direction des Etudes et de la Programmation (DEP) du ministère. Lors d'un atelier dit de validation du DPPD, contre toute attente, au second jour de la réunion annuelle des cadres,   c'est la directrice (DEP) qui s'est substituée sans gêne au consultant pour la présentation. La supercherie, grotesque et flagrante, n'a pas échappé à la vigilance des participants. N'est-ce pas une absurdité que de reverser les crédits non consommés au Trésor ?

La mise en gérance libre du village du 18 décembre à Diffa, du Camping de Niamey, de l'hôtel Madarounfa à Maradi et de l'Hôtel de l'Air à Agadez, procure aussi un business très lucratif. On convoque les gérants de ces réceptifs hôteliers et on leur brandit la menace d'une éventuelle résiliation des contrats au motif que l'État est lésé. Ces derniers, ayant acquis ces infrastructures dans des conditions qui frisent l'escroquerie, négocient et acceptent ce qu'on attend d'eux. Ce sont des sommes colossales, versées en intégralité ou sous la forme d'un échéancier mensuel, qui sont perçues à travers ces ententes directes. La caverne d'Ali Baba ? C'est " Sésame, ouvre-toi ! " et manifestement ça marche fort. Ainsi va la République des affaires.

Laboukoye

19 avril 2017
Source : Le Courrier