C’est parti, un de nos droits fondamentaux, à savoir la liberté d’expression, est, aujourd’hui, sérieusement menacé par l’intrusion de la Justice, à travers la poursuite et la répression des contenus jugés illicites des messages électroniques diffusés sur les plateformes des opérateurs GSM hébergeant les réseaux sociaux ! En effet, dans un communiqué rendu public le 31 août 2021, le Bureau du Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance Hors-classe de Niamey a clairement exprimé ses intentions de poursuivre et de punir les auteurs des messages ‘’Whats’ App’’ de nature à porter atteinte à l’unité nationale et à la cohésion sociale. Car, comme vous le savez, cela ne date pas seulement d’hier, mais de bien longtemps, les réseaux sociaux ont été transformés par certains concitoyens en des fora de règlements de comptes personnels, d’attaques gratuites et injustifiées des uns contre les autres, des insultes et autres calomnies à l’encontre de paisibles citoyens, le tout, pour un oui ou pour un non ! Censées rapprocher les hommes sur des préoccupations communes, ces plateformes sociales ont été, aujourd’hui, détournées de cette noble finalité par d’individus sans scrupules, sans morale et sans éducation digne de ce nom. Nobles intentions, diriez-vous ! L’on aimerait bien croire le grand gardien du temple pénal dans ses réquisitions actuelles contre les agissements coupables de ces utilisateurs des réseaux sociaux, mais, l’on ne pourrait, en même temps, s’empêcher de se demander s’il n’y aurait pas, dans ce cas, deux poids, deux mesures, lorsque les mêmes déviances sociétales sont, parfois, observées, dans les faits, au plus haut sommet de l’Etat. Que dire en effet de toutes ces nominations faites, non pas en fonction des compétences techniques et des qualités morales requises, mais en considération de l’appartenance partisane, clanique, régionale ou autres ? Que penser du constat fait par certains observateurs indépendants selon lequel certaines structures ministérielles sont en majorité contrôlées par des cadres ressortissants d’une même région administrative du pays ? Comment expliquer toutes ces affectations arbitraires au niveau du Ministère des Mines, uniquement motivées par des raisons politiques ou autres ?

Les exemples en la matière sont sans doute légion, la liste étant loin très exhaustive, tout cela ne constituant que la partie visible de l’iceberg ! En réalité, le mal semble plus profond que cela, le remède n’en saurait être trouvé dans les menaces pénales brandies par le Bureau du Procureur de la République, jouant sans doute plus le rôle de pompier de service que celui de la prévention politique qui sied, véritablement, à la gravité de la situation. Face aux injustices sociales criardes, face à la mal-gouvernance politique, économique et sociale, face à l’accroissement des inégalités sociales ; face à tout cela, que pourraient signifier ces cas individuels isolés de la part de personnes privées, qui ne sont dépositaires d’aucune autorité publique, parfois inconscientes de la gravité de leurs actes, lorsque ce sont les personnes investies de cette autorité publique elles-mêmes qui sont en première ligne dans ces dérives sociétales ? A ce que l’on sache, le ‘’Whats’App’’ est un espace privé de communication entre proches ou amis, et non un média public, auquel on ne peut accéder sans être membre du réseau de proches ou d’amis ! Pourtant, sur les médias publics, ces mêmes dérives sont souvent observées, sans que cela puisse offenser qui que ce soit. Voyez-vous, le problème semble ailleurs, c’est-à-dire que cela constitue une tendance ‘’normale’’ de notre société ébranlée dans sa classe dirigeante actuelle, défaillante dans sa mission de garantir à la nation une gouvernance vertueuse, responsable et dévouée à la cause patriotique. On aimerait bien croire en la bonne foi du Parquet de la République de Niamey de protéger les hautes valeurs d’unité nationale et de cohésion sociale, cependant, cette sortie médiatique nous laisse un goût d’inachevé, mieux, nous donne plus l’impression de l’expression d’un zèle, d’un appel du pied à l’endroit du pouvoir exécutif, plutôt que de l’aspiration à une justice sociale que tous les citoyens nigériens appellent de leur voeu. Le grand écrivain catholique français du 17ème siècle, Bossuet, dans la célèbre oraison funèbre prononcée en l’honneur de Michel Le Tellier, grand magistrat de Louis XIV, écrivait que « la vraie justice veut que les lois gouvernent, et non les hommes ! ». Sagesse à méditer profondément !

Sanda