Décidément, du ‘’Zarmaganda gate’’ en perspective, en tout cas, une chose est sûre, ça fume dans le foyer, dit-on souvent ! En effet, depuis quelques temps, la nouvelle s’amplifie et alimente bon nombre de débats autour du sort qu’aurait connu l’aide publique de l’Etat du Niger au Département du Zarmaganda, régulièrement victime d’agressions terroristes djihadistes. L’affaire remonterait au 08 novembre dernier, lorsque le Président Mohamed Bazoum avait séjourné à Banibangou, au lendemain d’attaques meurtrières perpétrées contre la milice locale d’auto-défense, ayant coûté la vie à une soixante de personnes, dont le Maire de la Commune rurale. Dans les doléances formulées par les populations meurtries se trouverait la problématique alimentaire, car la campagne agricole précédente n’avait pas répondu aux attentes de celles-ci. Le Président Bazoum, sans doute très émis par ce qu’il avait vu sur place (la misère humaine dans toute son incarnation), aurait rassuré ces vaillantes populations qu’elles ne mourraient jamais de faim et de soif, et que le Zarmaganda serait sauvé. Cette posture christique de sauveur national affichée, à cette occasion, par l’enfant de Tesker, n’était pas sans rappeler celle du natif de Fandou Béri, un certain Seyni Kountché, quarante ans plus tôt, lorsque le Président du CMS (Conseil Militaire Suprême) qu’il était, eut prononcé la phrase suivante : « Le Damergou sera sauvé » ! Et le Damergou fut sauvé, mais pas le Zarmaganda ! Car, une fois de retour à Niamey, le Président Bazoum aurait instruit l’Office des Produits Vivriers du Niger (OPVN) de mettre à la disposition du Zarmaganda d’importantes quantités de mil pour permettre aux populations locales de contenir les effets dévastateurs. Effectivement, d’après les informations reçues, ce mil aurait bel et bien été sorti des magasins de l’OPVN, mais, curieusement, cette denrée très prisée de nos populations aurait pris toutes les destinations possibles, sans, toutefois, celle du Zarmaganda. Selon des sources bien informées, tout le mil destiné aux populations du Zarmaganda se serait retrouvé sur les marchés de céréales de la capitale. On parlerait d’une grosse mafia qui se serait constituée autour de cette aide afin de l’accaparer, une camarilla composée d’élus locaux, de responsables centraux et décentralisés, qui aurait réussi à subtiliser toutes ces cargaisons vivrières pour les revendre sur les différents marchés de Niamey, et se partager, ainsi, le butin de ce trafic honteux ! C’est à ce niveau que s’arrêterait la comparaison avec le Lieutenant-Colonel Kountché de cette époque, car ce dernier ne se limitait pas seulement à donner des instructions, mais en sus et toujours, il suivait attentivement et studieusement l’exécution des ordres donnés. Pour s’en assurer, il confia la distribution de l’aide gratuite aux populations à l’Armée qu’il connaissait et contrôlait bien. Et aussi, les opérations de distribution de cette aide se déroulaient-elles dans une grande transparence médiatique où ‘’Télé Sahel’’ ou le ‘’Sahel’’ montrait les camions de l’OPVN remplis de vivres et convoyés par le Chef d’Etat-major de l’Armée, Ali Saïbou, le responsable attitré de cette mission, pour se rendre dans tous les coins et recoins du pays afin d’y apporter le soutien de l’Etat aux populations nécessiteuses. Aujourd’hui, trente ou quarante ans après cette période glorieuse du Niger, où les valeurs du patriotisme, du civisme et de la responsabilité politique avaient encore du sens, l’on ne peut que manifester de l’indignation légitime face à ce comportement digne de l’instinct bestial propre à l’hyène, qui, au lieu de pleurer sur la mort de sa congénère, y voit plutôt une occasion de festoyer sur la dépouille mortelle de celle-ci ! En effet, comment aurait-il été possible, de la part de certains individus, pourris jusqu’à la moelle épinière, de trouver-là un filon inespéré de se faire du fric sur la détresse de leurs concitoyens du Zarmaganda ?
Hélas, c’est cela le Niger contemporain, le Niger du ‘’riz japonais’’, du ‘’riz pakistanais’’, du ‘’mil indien’’ et bien d’autres scandales de ce genre qui jettent un discrédit considérable sur la gouvernance actuelle, une gouvernance peu orthodoxe sur la gestion des deniers publics, qui ne sont plus inviolables, comme jadis, et ce, en toute impunité érigée en règle d’administration politique !
Pourtant, le Président Bazoum, à ses débuts de prise de fonctions, avait pris le ferme engagement d’afficher la tolérance zéro à l‘encontre de la corruption et des détournements des deniers publics. Sur ce chantier de l’assainissement et de la moralisation de la vie publique nationale, il avait soulevé une immense espérance populaire, car c’était-là, une grande aspiration des citoyens qui n’en pouvaient plus de supporter les inconséquences d’une classe dirigeante peu regardante sur le respect de la justice sociale et de l’égalité de tous devant la loi et devant les charges publiques. Mais, depuis quelques temps, passée peut-être l’euphorie de la victoire qui l’avait emporté hors de la réalité, descendu sans doute du nuage du sage philosophe de ‘’La République’’ de Platon, ‘’du monde des idées pures et immuables’’, le ruisseau rebelle qu’il se prétendit, un moment, regagne, progressivement, le grand cours auquel il a toujours afflué de toute éternité. En fait, on ne saurait trop lui en vouloir de regretter que le régime auquel il avait appartenu pendant une décennie ne fût pas plus à gauche sur les promesses concernant la bonne gouvernance pour lesquelles les Nigériens avaient souhaité l’arrivée au pouvoir de progressistes comme se considéraient les responsables du PNDS-Tarayya, à cette époque. En revanche, on ne saurait trop s’empêcher, d’un autre côté, de railler, un peu, la naïveté d’un président encore plus scolaire, didactique à ses heures perdues, qui ignore qu’il est aussi le produit d’un système politique qui ne s’est constitué et maintenu que par le bon marché fait des règles et principes de la bonne gouvernance, quand cela coïncide seulement avec les intérêts politiques du moment. L’affaire Ibou Karadjé, dont le traitement judiciaire est malmené par différentes entraves, et bien d’autres dossiers brûlants mis en sommeil, illustrent parfaitement l’impossibilité pour l’arbre d’être plus long que ses racines, comme l’enseigne un proverbe du terroir national !
A moins de décider, de manière téméraire, de se faire hara-kiri, on ne voit trop comment le président Bazoum pourrait incarner la figure messianique que l’on avait cru, un moment, voir en ses débuts enchanteurs ! Or, aucune autre issue ne s’offre à lui s’il veut retrouver le salut dans sa présidence. Mourir pour renaître, peut-être ! Car, comme le chantait si bien le grand rastafari, Peter Tosh, ‘’ Tout le monde veut le paradis, mais personne ne veut mourir ’’. Mais, pour accéder à ce bonheur éternel, faudrait-il déjà mourir ! Et tout le problème est là, malheureusement, pour lui !
Sanda