Le pari de Niamey est osé. Il est même trop osé, sachant que les pratiques mises en cause par la Banque mondiale constituent un sérieux handicap pour une économie quelconque et que les rapports de la BM tiennent lieu de prescription crédible pour les investisseurs et les bailleurs de fonds. Hasard du calendrier, c’est au moment où Hassoumi Massoudou s’apprêtait à aller à Paris pour la table ronde, que l’uraniumgate refait surface, précisément dans la capitale française. Et comme si la perquisition des locaux d’Areva, à Paris, ne suffisait pas à l’angoisse de Massoudou et du gouvernement, des enquêteurs français ont débarqué à Niamey pour entendre tous les protagonistes de l’affaire. De quoi inquiéter l’actuel ministre des Finances. S’il ne craint rien pour y aller dans le cadre de la table ronde, il sait néanmoins qu’à l’allure actuelle des choses, il risque d’être clairement épinglé, ainsi que tous ses complices, dans un rapport officiel de la Brigade financière française. Mahamadou Issoufou pourrait engranger plein de promesses d’investissements au Niger à l’issue de la table de Paris. Malheureusement, il ne pourra que s’enfoncer dans les méandres d’une gouvernance catastrophique, incapable de mettre un terme à la prédation des deniers publics et de faire rendre gorge aux auteurs. De quoi peut-on se prévaloir lorsque sous ses yeux, des individus détournent à leurs profits personnels 15 000 tonnes de riz d’une aide généreusement offerte par un pays ami, en pleine crise alimentaire ?
De quelles armes de séduction disposent les autorités nigériennes pour convaincre les investisseurs étrangers ? Qu’ils peuvent être exonérés d’impôt et de taxe ? Que les citoyens nigériens vont supporter le manque à gagner par le gouvernement par de nouvelles mesures fiscales récemment votées dans le cadre de la loi de finances que les Nigériens rejettent ? Que la TATIE, par exemple, a été supprimée et que de nouveaux réaménagements sont toujours possibles pour alléger les charges d’éventuels investisseurs qui désirent s’installer au Niger ?
Que Mahamadou Issoufou dispose, à l’Assemblée nationale, d’une majorité prête à voter n’importe quel projet de loi introduit par le gouvernement ? Et la corruption, la concussion, les détournements récurrents de deniers publics, les trafics en tous genres, qui sévissent et qui restent impunis ?
Et les Nigériens dans tout ça ? S’ils sont méprisés et que les députés sont passés outre leurs propositions d’amendements à la loi de finances 2018, ils s’organisent pour une riposte sociale d’envergure, déterminés à montrer au pouvoir en place qu’ils ont un mot à dire dans la gouvernance de ce pays et que ce mot reste déterminant. C’est en vue de porter cette riposte sociale que les organisations de la société civile ont décidé d’appeler les citoyens nigériens à des marches suivies de meetings sur toute l’étendue du territoire national, le jeudi 21 décembre 2017. Une perspective qui ouvre un bras de fer entre les gouvernants et les populations nigériennes. La rupture est consommée et l’on ne peut que s’inquiéter de cette perspective. Quant à Mahamadou Issoufou, ça ne lui fait ni chaud ni froid. Advienne que pourra. L’essentiel, pour lui, c’est de préserver son pouvoir. Advienne que pourra !
Bonkano
19 décembre 2017
Artcle publié le 11 décembre 2017
Source : Le Canard en Furie